Les implications du droit de la mer
La
première des cinq raisons qui ont conduit à la fin de la
quarantaine 1972-2012 relève du droit international : la Convention sur le
droit de la mer adoptée en 1982, et entrée en vigueur en 1994.
Elle
a permis d’augmenter considérablement la superficie des pays
côtiers. Or, précisément en mer, on trouve de grands réservoirs
d’hydrocarbures.
Ce n’est pas un hasard qu’elle ait été
adoptée juste quelques années après le second choc pétrolier…
Grâce à ce nouveau droit international, un état côtier peut,
moyennant quelques conditions, étendre sa souveraineté pour
exploiter « sa » mer. Puisque les pays côtiers doivent s’accorder
entre voisins, cela a pris de nombreuses années de négociations.
[…]Grâce à la Convention sur
le droit de la mer, les territoires en bordure de mer vont voir leur
frontière maritime reculer de manière tout à fait légale.
Le
Président des U.S.A. Ronald Reagan, qui n’était pas un pétrolier,
était très favorable à la négociation de ce traité, car il
tenait à faire évoluer le monde et, notamment, à desserrer l’étau
qui étouffait le monde à cause du communisme, d’une part, et du
prix du pétrole, d’autre part. Si aujourd’hui nous pouvons dire
que la quarantaine est terminée, c’est aussi parce que cet homme
politique avait compris que le monde avait besoin de libertés,
libertés individuelles et libertés d’entreprendre, et qu’il
avait agi en conséquence avec détermination malgré les critiques
de l’époque...
La jauge du réservoir de pétrole indique « plein »
Contrairement
à la croyance populaire qui prétend que la jauge du réservoir de
pétrole mondial indique la réserve, le monde regorge de pétrole
comme jamais auparavant et la capacité de production est en train de
croître à un rythme qui peut conduire à une surproduction qui
occasionnera une chute brutale du prix du pétrole brut aux alentours
de 70 $/b, voire moins.
Nous avons devant nous assez de réserves pour
certainement tout ce siècle et au-delà. Les chiffres varient, mais
il est bon de se rappeler que, si depuis que le 27 août 1859, lorsque
à Titusville en Pennsylvanie Edwin Drake fit jaillir du pétrole de
terre, le monde a consommé près de 1.000 milliards de barils, les
réserves prouvées de pétrole conventionnel sont de l’ordre de
1.350 milliards de barils. Si ce chiffre est communément admis,
certains géologues l’estime plutôt à 1.750 milliards de barils.
Si on compte les pétroles non-conventionnels (sables asphaltiques,
schistes bitumineux, huile de roche-mère), ce chiffre passe à 3.000
milliards.
Continuer
à faire peur sur la fin prochaine du pétrole est une stupidité qui
ne résiste pas à l’analyse factuelle.
Pourtant, depuis 1924, la
litanie du pic de pétrole continue d’être propagée et de faire
des adeptes. Que ce soit les médias, les ONG environnementalistes,
ou même certaines institutions ou des individus au sein de ces
institutions, la crainte de la fin prochaine ne cesse de se
transmettre.
Etrangement, ce ne sont pas les compagnies pétrolières
qui s’inquiètent de cette fin, mais ceux qui n’aiment pas le
pétrole. On voit là le manque de crédibilité flagrante de cette
théorie. Pourquoi ceux qui gagnent de l’argent, beaucoup d’argent,
grâce au pétrole ne s’inquiètent-ils pas de cette fin annoncée
comme imminente et ceux qui trouvent qu’il est la source de tous
les maux se préoccupent-ils de sa fin prochaine ? Au lieu de se
taire et d’attendre sournoisement l’issue fatale qui mettrait fin
à cette industrie qu’ils abhorrent, les « piquistes » font tout
pour retarder l’arrivée de ce pic. Allez comprendre !
Penser
que la croissance de la demande en pétrole va suivre une courbe
linéaire est aberrant.
Tous les phénomènes naturels ou créés par
l’homme suivent des évolutions en forme de S, ou une succession de
telles évolutions. La consommation de pétrole a évolué très
lentement au début pour s’accélérer fortement dans la seconde
partie du XXe
siècle.
Cette augmentation linéaire ne va pas se poursuivre indéfiniment,
mais va au contraire plafonner pour deux raisons : une fois que les
pays émergents et pauvres auront atteint un niveau de saturation de
la demande comme c’est le cas dans l’UE, leur croissance va
fortement s’atténuer. D’autre part, le potentiel d’efficacité
énergétique est sous-exploité, y compris dans le secteur de
l’automobile. Les consommations vont donc diminuer et si, pendant
encore quelques décennies, la croissance du nombre d’automobiles
va absorber cette diminution, vers 2030-2035, la consommation
mondiale de produits pétroliers commencera à stagner. On estime que
la demande devrait se stabiliser en dessous de 100 Mb/j contre
environ 80 Mb/j actuellement. Or, la capacité de production de
pétrole conventionnel est déjà de 96 Mb/j. Il est donc normal que
l’OPEP commence à s’inquiéter de la stagnation de la demande...
Au Mexique
La nouvelle perspective d’autorisation des investissements extérieurs
dans les champs de pétrole du Mexique intéresse bien entendu les
grandes compagnies internationales. ExxonMobil est déjà sur les
rangs et a en fait déjà établi une joint-venture.
Même si cela
peut prendre un peu de temps, dès lors que le Mexique s’ouvre à
des partenariats et des collaborations technologiques, l’intérêt
international sera énorme, semblable à celui pour l’Irak.
Si en
plus on ajoute que le Mexique dispose également des sixièmes
réserves mondiales (15,4 Tm³) de gaz de roche-mère (dans le nord
du pays en prolongement de celles du Texas), les investissements
étrangers pourraient transformer de fond en comble le Mexique. La
proximité géographique qui existe entre le coeur de l’énergie
des États-Unis – le Texas – et le Mexique, est de nature à
intensifier la coopération non seulement dans le domaine pétrolier
et gazier, mais également dans tous les secteurs connexes.
À
l'évidence, ce qui a poussé les pouvoirs politiques mais aussi
l'opinion publique, c'est le succès pétrolier du Brésil, en
particulier de son entreprise nationale Petrobras, qui a complètement
changé la perspective pétrolière de cet autre grand pays
d'Amérique latine.
Pourquoi donc, avec de telles richesses, le
Mexique n'a-t-il pas eu le succès du Brésil ? Parce que,
contrairement à Pemex, Petrobras collabore avec des compagnies
internationales bien qu'elle soit également une entreprise
nationale. La dure réalité – là où ça fait mal – va
contrainte Pemex à suivre les traces de Petrobras, malgré les
réticences évidentes de ceux qui, par idéologie et nostalgie,
veulent se passer des entreprises capitalistes...
Les U.S.A. et le le pic de gaz
Au
début de ce siècle, les U.S.A. ont cru qu’ils étaient presque à
court de gaz naturel, car, d’une part, leurs réserves s’épuisaient
et, d’autre part, la consommation était toujours en croissance.
La
situation était jugée préoccupante au point qu’Alan Greenspan,
l’ancien président de la Federal Reserve, avait affirmé, en 2003,
que « le GNL est la seule soupape de
sécurité à court terme que les États-Unis peuvent développer
afin de réduire leur dépendance au gaz naturel ».
En 2005, Lee Raymond, le PDG de ExxonMobil déclarait que « la
production de gaz a atteint un pic en Amérique du Nord ».
La déduction logique était que, s’il
n’y a pas assez de gaz et
qu’on n’on peut pas s’en passer, il faudra se résoudre à en
importer. Les États-Unis se sont donc préparés à faire ce qu'ont fait
massivement le Japon et l’UE, bien que dans une moindre mesure
: importer du gaz naturel sous forme liquide, le GNL.
Pour satisfaire
ce nouvel approvisionnement en gaz naturel liquéfié, il fallait que
le pays se dote de terminaux le long de toutes les côtes du pays.
Les investisseurs se sont ainsi attelés à préparer un collier de
terminaux gaziers sur la côte ouest où auraient dû arriver les
méthaniers en provenance de l’Australie, de la Malaisie et de
l’Indonésie. Des cargaisons en provenance de Russie étaient
attendues sur la côte est…
Même en Israêl
En
1973, lors d’un dîner qu’elle offrait en l’honneur du
chancelier allemand Willy Brandt, l’ancienne Première ministre
israélienne Golda Meir avait fait rire les convives en affirmant
plaisamment que les Israéliens reprochaient à Moïse de les avoir
fait pérégriner pendant 40 ans dans le désert pour finalement les
conduire dans la seule zone de la région où il n’y avait pas de
pétrole.
La supériorité énergétique du Moyen-Orient est en effet
pour l’Etat d’Israël une donnée majeure et fondamentale de sa
géopolitique, tant directement que – et surtout – indirectement.
Il est évident que la question israélo-palestinienne, comme nous
avons eu l’occasion de le dire au début de ce livre, est fortement
influencée par la place prépondérante du pétrole arabe dans
l’échiquier énergétique mondial.
A
présent, le reproche envers Moïse ne tient plus, car de grands
gisements de gaz naturel conventionnel ont été découverts au large
d’Israël.
Avec seulement deux réservoirs, baptisés avec les noms bibliques
Tamar et
Léviathan,
il y en a déjà pour 120 années de consommation actuelle pour le
pays.
Cela change toute leur politique énergétique, au point que ce
pays va devenir exportateur de gaz naturel et d’autres pays de la
région suivront. Cela aura un impact sur la géopolitique
énergétique mondiale et, partant, sur la géopolitique tout court...
Le gaz de roche-mère
L’acharnement
de George Mitchell a conduit, au début, à une révolution
silencieuse, longtemps snobée par les experts des grandes sociétés
pétrolières qui estimaient que cette production de gaz de
roche-mère (Shale gas) serait une bulle spéculative qui allait rapidement se
dégonfler.
Il y avait en effet de quoi douter, car seule une petite
fraction du gaz que contenait le réservoir était récupérée. De
plus, le débit du puits chutait rapidement, de sorte que les coûts
de production ne semblaient pas assurer une rentabilité suffisante.
Mais, au fur et à mesure que le succès de Mitchell Energy se
concrétisait, d’autres entreprises ont suivi, de sorte qu’en
2005, le site de Barnett produisait à lui seul 14 millions de m3
de
gaz naturel par an. Ces « aventuriers du gaz » ayant eu de plus en
plus confiance dans leur capacité à produire du gaz naturel de
manière économique dans le bassin de Barnett, commence alors
l’exploitation d’autres sites
Si,
en Europe, les médias et beaucoup de politiques ne parlent que des
conséquences environnementales négatives de ce gaz, aux U.S.A., par
contre, on se félicite de la chute des prix du gaz qui en a découlé,
de la relance de l’industrie chimique, du développement de
l’utilisation de ce gaz dans le transport routier, et de l’émergence
du pétrole de roche-mère qui suit cette révolution.
Les
roches-mères sont en quelque sorte « la cuisine » où le pétrole
et le gaz ont été « cuisinés ». Elles sont généralement
recouvertes de couches de roches étanches qui font que les
hydrocarbures, une fois produits, sont restés piégés là dans la
roche-mère. Il s’agit d’un cas géologique particulier
caractérisé par le fait que la roche source (qui contient le gaz)
est également la roche réservoir. Il n’y a donc pas eu de
migration primaire au cours de l’enfouissement de ces séries
géologiques et le gaz est resté piégé dans les micropores de ces
marnes réputées imperméables.
C’est
d’ailleurs pour cela que l’expression "gaz de roche-mère" est
celle qui convient le mieux : le gaz formé dans cette roche y est
resté piégé.
Lorsque ces hydrocarbures ont pu s’échapper de la
roche-mère pour une quelconque raison, s’il y avait une
communication, ils pouvaient apparaître en surface (c’est par
exemple le pétrole que l’on trouvait en affleurement au
Moyen-Orient). Si, dans son cheminement, il arrivait dans un
réservoir sédimentaire étanche, il restait alors piégé dans une
« salle à manger » – pour poursuivre le parallèle culinaire –
et a donné lieu aux formations de pétrole et de gaz conventionnel.
Jusque récemment, on a foré et puisé uniquement dans ces
réservoirs conventionnels (les salles à manger). Nous avons vu
qu’il reste encore beaucoup de tels réservoirs à découvrir et à
percer. Dans la révolution en cours, on va puiser au-delà de la «
salle à manger », dans la « cuisine » qui contient encore du
pétrole et du gaz.
Des géologues pétroliers estiment que ce qui
est sorti de la « cuisine » pour migrer vers la « salle à manger
» n’est rien à côté de ce qui est resté dans la roche-mère et
est donc toujours emprisonné là. Si c’est vrai, on pourra
explorer et exploiter en dessous des gisements conventionnels connus.
On imagine à peine le potentiel...
Les conséquences géopolitiques
Il
n’y a pas que les considérations de marché qui entrent en compte.
La géopolitique est aussi influencée par cette question de
l’exportation gazière des États-Unis.
Les défenseurs de cette
thèse, comme Bill Richardson et Spencer Abraham, qui étaient
respectivement responsables de l’énergie pour les présidents Bill
Clinton et George W. Bush Jr, le font en avançant des arguments
géopolitiques : des États-Unis exportateurs joueraient un rôle
vital pour leurs alliés en Europe et en Asie, dont la plupart sont
dangereusement dépendants du gaz naturel « de puissances étrangères
fréquemment hostiles aux intérêts américains ». Entendez la
Russie.
Comme on l’a vu, la demande asiatique pour le gaz naturel
est en pleine croissance. Les défenseurs de cette thèse utilisent
l’argument de l’alliance avec le Japon pour justifier les
exportations. D’ailleurs, le Japon et l’Inde insistent auprès de
Washington pour que l’exportation soit autorisée. Ils sont
tellement enthousiastes pour acheter du GNL américain que des
diplomates de ces pays ont plaidé auprès du Département de
l’énergie et du Département d’Etat pour que les États-Unis
autorisent cette exportation afin qu’ils puissent importer du gaz
bon marché et surtout sûr. Après Fukushima, l’importation de GNL
américain est indispensable pour absorber le choc de la fermeture de
certaines centrales nucléaires.
Dans
ce jeu géopolitique, Washington pense également à l’Ukraine. Il
est vrai que la dépendance envers le gaz russe de l’Ukraine est
particulièrement élevée, mais est-ce que cet argument est valable
si ce pays va lui aussi devenir producteur de gaz de roche-mère ?
Quant à l’UE, si elle dépend à 40 % de la Russie pour ses
importations de gaz naturel, cette dépendance n’est plus vue
depuis longtemps comme une épée de Damoclès géopolitique, même
si des tensions se font de plus en plus jour sur la question du prix
du gaz russe dans l’UE.
Le
6 septembre 2012, lors de son discours d’investiture pour la course
à sa réélection, Barak Obama, le président qui a été ovationné
par de nombreux Européens parce qu’il allait enclencher la
révolution énergétique, a qualifié les hydrocarbures de
roche-mère de « bénédiction »
et a déclaré que « nous pourrons
ainsi diminuer de moitié, d’ici à 2020, nos importations de
pétrole et créer plus de 600.000 emplois ».
Josh
Fox a réalisé en 2010 Gasland,
un film documentaire sur le gaz de roche-mère aux États-Unis. Cette
propagande anti-progrès a déjà été vue par 50 millions de
personnes dans 30 pays. Ça marche ! On y voit des accumulations de
derricks qui défigurent le paysage, alors que l’on pratique
aujourd’hui, comme on vient de le voir, les forages par « clusters
» à partir d’une seule tête de puits.
Le public a peur et les
médias en profitent pour insister sur la « réalité » démontrée
par ce film : de l’eau qui coule d’un robinet qui s’enflamme au
passage de la flamme d’un briquet. Pourtant, c’est faux ! Ce gaz
qui s’écoule avec l’eau n’a rien à voir avec le gaz de
roche-mère : il s’agit de méthane biogénique présent dans les
milieux superficiels, que l’on trouve dans les marécages et qui
provoque les feux follets des cimetières ; il ne s’agit nullement
de méthane thermogénique, présent dans les milieux profonds. Il
est en effet connu depuis plus de 200 ans (en Pennsylvanie), et bien
plus dans d’autres régions, que dans les marécages de nombreuses
bulles de gaz crèvent la surface des rivières.
Depuis
1947 que l’on pratique la fracturation hydraulique, on compte plus
d’un million d’opérations aux États-Unis et pourtant on ne
dénombre que quelques dizaines de problèmes de pollution des eaux,
probablement liés à l’utilisation au début de pratiques non
standards par de petits entrepreneurs qui ont opéré sans connaître
le métier de foreur. Cette situation, qui ne doit pas être niée,
ne doit cependant pas être exagérée, car la fracturation
hydraulique n’y est pour rien, puisque c’est de la responsabilité
des foreurs qui n’ont pas bien utilisé la technique de cimentation
du puits lors du passage de la nappe phréatique.
Lorsque
l’on fore, que ce soit pour produire du pétrole ou du gaz
conventionnel – ou pour la géothermie, que personne ne critique –,
le puits traverse régulièrement ces nappes phréatiques. Cette
pratique, courante depuis des décennies, est ce qu’on appelle un
état de l’art. Des milliers de puits par an sont percés et il n’y
a personne qui s’en offusque. Et pour cause, car il n’y a pour
ainsi dire jamais d’accidents. La technique employée s’appelle
la cimentation ou le cimentage du puits ; en quelque sorte, on
installe une succession de gaines en métal et en béton en couches
concentriques qui assurent une étanchéité totale.
Lorsque
vous faites la vaisselle, n’utilisez-vous pas de produits chimiques
? Que ce soit dans votre lave-vaisselle ou dans votre évier, la
chimie est présente afin de vous donner une vaisselle propre et sans
traces. Ces produits que vous utilisez quotidiennement sont appelés
des tensio-actifs. Ils ont la propriété extraordinaire de rendre
plus fluide l’eau et de dégraisser en abaissant ce qu’on appelle
la tension superficielle de l’eau (une propriété physique liée à
l’écoulement). Vous vous souviendrez des publicités dans laquelle
on voit deux assiettes plongées dans des bacs d’eaux différentes.
Celle qui a été plongée dans le bac contenant un produit chimique
est nettement plus propre et l’eau s’écoule facilement.
C’est
le miracle de la chimie. Ces mêmes produits sont si inoffensifs que
vous en mettez tous les jours dans votre bouche via votre dentifrice.
Figurez-vous que ces mêmes produits sont utilisés dans la
fracturation hydraulique ! Puisque l’eau qui est injectée dans la
conduite qui a été forée doit ensuite pénétrer le plus
profondément possible dans la roche-mère, il faut qu’elle
s’écoule facilement, aussi facilement que l’eau qui doit glisser
du verre que vous aurez lavé dans votre eau de vaisselle. Les fameux
produits que l’on incrimine si facilement ne sont rien d’autre
que des produits vaisselles ou similaires.
Le pétrole de roche-mère
Après
la surprise du gaz de roche-mère est en effet arrivée celle du
pétrole de roche-mère. Tout comme le gaz qui s’est formé dans
cette roche et y est resté piégé, du pétrole a été généré
dans cette même typologie de roche et y est resté, lui aussi,
piégé. En conséquence, la même technique de fracturation qui est
utilisée pour la production de gaz peut être appliquée à la
production de pétrole.
En
quelques années, le Dakota du Nord est devenu le deuxième Etat
producteur de pétrole aux États-Unis, derrière le Texas. Même les
écologistes de cet état admettent que le boom pétrolier a permis
de vivre une renaissance économique et aussi d’arrêter
l’hémorragie de l’émigration de la jeunesse qui a dû déserter
en masse au cours des dernières décennies en raison de l’absence
d’offres d’emploi.
Tout cela est bon aussi pour les caisses de
l’Etat qui remplit ses coffres. Cet argent n’est pas dilapidé,
car, à l’instar de la Norvège (et comme on l’a vu en Israël),
le Dakota du Nord a créé un « Legacy Fund » dans lequel
convergent un tiers des recettes pétrolières et taxes sur le
carburant afin d’économiser pour le futur si, un jour, la fortune
devait s’arrêter. En 2015, le fonds aura atteint 3 milliards de
dollars, mais le débat public sur la façon d’utiliser ces
ressources a été reporté jusqu’en 2017, car il n’y a pas
d’urgence étant donné qu’il sera alimenté pendant… encore
bien longtemps.
Il
est intéressant de comparer la situation du Texas avec celle de la
Californie. Cet Etat, qui a cru bien avant l’UE aux énergies
renouvelables, voit sa production pétrolière diminuer année après
année non pas à cause de la géologie, mais de choix politiques. De
2001 à 2012, la production de pétrole a diminué de 21 %. Elle
possède également deux importants gisements de roche-mère entre
San Francisco et Los Angeles : Monterey et Santos. Selon
l’Administration de l’énergie des États-Unis, ils
contiendraient 500 milliards de barils de pétrole (à comparer aux
700 de l’Arabie saoudite). Le fort courant environnementaliste dans
cet Etat ne permet toutefois pas l’exploitation.
Grâce
à ses hydrocarbures de roche-mère, les États-Unis ont retrouvé,
d’une certaine façon, le goût de la quête de l’indépendance
énergétique.
L’énergie, singulièrement le pétrole, est le
pilier de la politique, de l’économie et de la société de ce
pays. Elle est l’assise de leur politique extérieure, au point que
les politiciens étasuniens sont obsédés par la sécurité
énergétique, de sorte qu’ils sont bien plus attentifs que ceux
des autres pays aux questions énergétiques et, plus
particulièrement, à celles de géopolitique énergétique. Ils
poursuivent, depuis longtemps pour certains, le mythe de
l’indépendance énergétique, et, pour d’autres, celui de
maîtriser parfaitement leur sécurité d’approvisionnement. A coup
de relations diplomatiques, ces dernières décennies, ils ont tenté
de conforter cette indépendance tant convoitée.
Aujourd’hui,
on se retrouve bel et bien devant une situation inédite : les
États-Unis diminuent leurs importations, les pays émergents les
augmentent et la demande dans l’UE stagne non pas grâce au succès
économique des énergies renouvelables, mais à cause de la crise
économique. Il faut se rendre à l’évidence, une nouvelle carte
énergétique mondiale se dessine sous nos yeux.
L’abondance
de gaz et de pétrole fait déjà sentir ses effets dans l’économie
américaine et, partant, mondiale.
La réindustrialisation des
États-Unis n’est pas due uniquement à la contre-révolution
énergétique, mais celle-ci y est pour beaucoup. L’industrie
chimique vit un renouveau salutaire. Des usines sont rapatriées et
de nouvelles sont construites. La contre-révolution va également
pénaliser ultérieurement les énergies renouvelables, car l’énergie
fossile sera moins chère. En plus, tout cela fait des États-Unis un
pays vertueux du point de vue environnemental. Les
U.S.A. ont gagné la contre-révolution grâce à l’énergie
fossile abondante. Pas grâce au développement durable, ni aux
énergies renouvelables, ni à l’efficacité énergétique, même
s’ils ont commencé à être de plus en plus efficaces et qu’ils
continueront à l’être.
L’avantage
du prix bas du gaz naturel a un effet multiplicateur sur toute une
série d’industries primordiales. L’industrie chimique, qui
utilise le gaz naturel comme source d’énergie, mais aussi comme
source de matière première, est devenue très concurrentielle aux
États-Unis et, en conséquence, on assiste déjà à la
délocalisation ou relocalisation vers les U.S.A. d’entreprises
créatrices d’emplois qualifiés et qui produisent des substances à
haute valeur ajoutée. Ce phénomène va s’amplifier et va créer
un gros dommage pour l’économie européenne. L’entreprise
chimique Solvay a acheté en 2011 pour 500 millions d’euros de gaz
naturel. Si le prix européen du gaz était celui qu’il est aux
États-Unis, ce grand de la chimie aurait épargné 300 millions. Il
est difficile de résister longtemps avec un tel différentiel.
Si
l’industrie chimique américaine va profiter des faibles coûts des
produits chimiques, cela aura des répercussions sur de nombreux
autres secteurs connexes et tout le secteur des grands consommateurs
industriels d’énergie comme la verrerie, la cimenterie, la
métallurgie. Le système va s’auto-alimenter, car plus on fera de
la fracturation hydraulique, plus il faudra des tubes et, donc, plus
il faudra de produits métallurgiques. Ceci permet de prendre
l’ascenseur du développement économique et tout cela sans
subsides ni législations contraignantes.
La
réalité est déjà là aux U.S.A.
De nombreuses villes décident
rapidement de faire basculer leurs autobus de ramassage scolaire,
camions poubelles et autres véhicules municipaux au gaz naturel. Le
grand aéroport international du Texas, Dallas-Fort Worth, s’est
équipé de 500 véhicules utilitaires fonctionnant au gaz
(l’aéroport a autorisé la fracturation hydraulique sous l’une
de ses pistes, car les géologues ont dit qu’il y avait là de la
roche-mère).
Ces 5 dernières années, la grande société de
télécommunications AT&T a acheté 8.000 véhicules au GNC, dont
1.200 camions livrés par GM, ce qui lui donne la plus grande flotte
commerciale de véhicules au gaz naturel dans le pays. La société
de courrier express UPS a annoncé qu’elle va faire passer le
nombre de ses camions au GNL de 112 à 800 avant la fin de 2014,
camions qui fonctionneront grâce à des moteurs produits par
Cummins, une société de l’Indiana, en collaboration avec Westport
Innovation, de Vancouver, spécialisée dans l’innovation en matière
de moteurs à gaz.
UPS s’est fixé comme objectif que la majorité
de ses nouveaux camions fonctionneront au gaz. Dillon Transport, une
société de transport routier basée à Chicago, est passée avec
enthousiasme au gaz ; sur les quelques 400 tracteurs qu’ils
exploitent, 25 roulent au GNL et une cinquantaine fonctionne au GNC à
partir du premier trimestre de 2013. Figurez-vous qu’en plus cette
société utilise le green washing
(la propagande pour se montrer
écologique) ; elle encourage ses clients qui fabriquent des produits
ayant un impact sur l’environnement à les choisir, car l’empreinte
écologique de leur transport est moindre.
Le
Prince Alwaleed bin Talal, un milliardaire saoudien investisseur, a
averti que l’économie de son pays est trop dépendante du pétrole
(90 %) et qu’elle n’est pas assez résiliente face à la
concurrence du pétrole de roche-mère des États-Unis. Sachant que
cette situation n’est pas près de changer, le 13 mai 2013, il a eu
le courage de s’adresser dans une lettre ouverte adressée à Ali
Naimi, le ministre saoudien du pétrole, pour proposer aux autorités
du pays d’accélérer les plans de diversification de l’économie.
En effet, si le monde se retrouve avec « trop de pétrole »,
l’Arabie saoudite risque de lourdes pertes financières. Les gains
pétroliers qui, selon l’OPEP, se sont élevés en 2012 à 336
milliards de $ pourraient difficilement être répétés d’ici
quelques années. Il n’y a pas de danger tant ses réserves sont
énormes, mais l’avenir de l’Arabie saoudite ne sera plus le long
fleuve tranquille qu’il était avant l’exploitation par
fracturation hydraulique du pétrole de roche-mère.
Il
est bien connu que des tensions, une confrontation même, existent
entre les deux plus grands producteurs de l’OPEP : l’Arabie
saoudite, un allié des U.S.A. depuis le pacte du Quincy signé le 14
février 1944 entre le roi Ibn Séoud et le président Roosevelt, et
l’Iran, qui semble toujours accroché à son intention de nuire à
l’Occident afin de justifier leur révolution islamique, même si
l’arrivée de Hassan Rouhani à la présidence du pays amorce un
tournant intéressant. Le royaume saoudien se dit prêt à dépasser
son quota de production si l’Iran décide de taquiner l’économie
mondiale par un quelconque moyen. L’Arabie saoudite ne cache pas
qu’elle ne supporte plus la capacité de nuisance du régime des
mollahs.
Contrairement
à une idée fausse bien ancrée, le pétrole du Moyen-Orient n’est
pas essentiel pour les U.S.A., car c’est vers l’est que coule
très majoritairement ce pétrole.
Partant, la sécurité du pétrole
au Moyen-Orient n’est plus, depuis quelques années déjà, le
problème des U.S.A., mais bien celui des pays asiatiques.L’abondance de pétrole en Amérique du Nord place de nouvelles
responsabilités sur les épaules des pays asiatiques. Ces pays –
répétons-le, Chine et Japon en tête – devront supporter le coût
du contrôle de la sécurité du détroit d’Ormuz.
En ces temps de
grande contrainte budgétaire aux U.S.A., ce pays ne peut plus se
permettre le luxe de supporter seul la charge financière du contrôle
de ce passage stratégique pour les pays asiatiques, qui leur assure
leur approvisionnement pétrolier. Qu’ils payent, commencent à
dire ouvertement les Américains et ce d’autant plus que la Chine
se montre plus réticente à acheter de la dette US. On est bien là
dans un changement de
paradigme : la sécurité pétrolière est l’affaire des
Asiatiques. Les passagers clandestins doivent descendre du train des
contribuables américains.
La
sécurité d’approvisionnement énergétique des États-Unis étant
largement assurée grâce, d’un part, à son gaz, au pétrole de
roche-mère et au binôme Canada-Mexique, ils auront toutefois encore
intérêt à gérer, influencer, voire maîtriser, celle des autres
pays. Les États-Unis semblent veiller à ce que le pacte du Quincy,
pacte qui scelle l’alliance avec l’Arabie saoudite et que nous
avons vu tout au début de cet ouvrage, fasse encore sentir ses
effets, malgré le fait qu’il date de 1944 et qu’il était prévu
pour une durée de cinquante années. En effet, pour les États-Unis,
être présents au Moyen-Orient, c’est contrôler l’écoulement
vers l’est du pétrole, le premier flux d’énergie du monde. Cela
va leur permettre de tenir sous contrôle la Chine, la nouvelle
puissance qui semble vouloir devenir un géant géopolitique. Pour
cela, elle a besoin de plus d’énergie et aussi de contrôler
l’énergie des autres, tout comme les États-Unis l’ont fait et
continueront à le faire.
A
présent que les États-Unis vont très probablement exporter du GNL,
l’Inde et le Pakistan pourraient être des pays de destination
prioritaires de ces précieuses cargaisons, ce qui mettrait encore
plus en difficultés la réalisation du gazoduc qui aurait dû relier
l’Iran à ces deux pays.
La
contre-révolution énergétique va permettre de rebattre les cartes
énergétiques également et essentiellement sur les rives de l’océan
Pacifique, là où la croissance économique est encore appréciée.
Avec, d’un côté, les grands consommateurs du sud-est asiatique et
l’Australie – un géant énergétique – et, de l’autre, les
U.S.A. et le Canada, les échanges énergétiques d’énergies
fossiles vont aller grandissant sur les eaux du plus grand océan.
Nous
avons déjà vu que la Russie est nerveuse à cause du développent
du gaz de roche-mère. Cela lui fait perdre sa place prépondérante
dans le marché mondial du gaz. Elle qui fournissait 40 % de gaz
naturel que l’UE importe sera soumise à une forte pression si les
États-Unis se décident à exporter aussi vers l’UE et l’Asie.
En particulier, l’exportation de GNL vers l’allié japonais sera
un coup dur que la Russie devra encaisser.
Grâce
à son positionnement géographique, l’Australie possède un atout
pour les pays asiatiques qui vont faire appel de plus en plus au GNL
: aux grands consommateurs que sont le Japon, la Corée et Taiwan
vont venir s’ajouter la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines et
Singapour. Cette dernière ambitionne même de devenir un hub du gaz
pour cette région en plein boom économique. L’Australie, qui est
déjà un allié militaire fiable pour les États-Unis, offre une
communauté de vue sur l’avenir énergétique de la planète, de
sorte qu’entre ces deux géants de l’énergie fossile pourrait se
cimenter l’influence occidentale en Asie. Les États-Unis et
l’Australie pourraient collaborer fortement dans le domaine de
l’énergie afin d’influencer cette partie du monde en incluant
une dimension toujours plus « occidentale ».
"Cornucopien"
C’est ainsi qu’un blogueur m’a qualifié, pensant que j’allais
le prendre comme une insulte. Au contraire, je l’ai pris comme un
compliment.
Ce néologisme se réfère à la corne d’abondance de
la mythologie grecque, qui symbolisait la richesse et l’abondance.
Car c’est bien là que se situe le débat en cours dans nos nations
nanties : avons-nous assez de ressources ?
Non, affirment les pessimistes qui veulent mettre fin à notre société de croissance. Oui, répondent les optimistes qui estiment que la croissance est essentielle pour éradiquer la pauvreté et offrir le bien-être au plus grand nombre.
Non, affirment les pessimistes qui veulent mettre fin à notre société de croissance. Oui, répondent les optimistes qui estiment que la croissance est essentielle pour éradiquer la pauvreté et offrir le bien-être au plus grand nombre.
Puisque l’énergie est la force vitale des
sociétés modernes, c’est vers ce secteur que les tenants de la
société sans croissance dirigent leurs attaques. Or,
historiquement, le monde n’a jamais dû faire marche arrière par
manque d’une ressource naturelle. Nous n’allons pas être
contraints de revoir notre société de croissance par manque
d’énergie, mais seulement par choix politique.
La limite n’est
pas naturelle, mais réside, d’une part, dans la frontière de
notre savoir-faire et, d’autre part, dans nos peurs spontanées ou
suscitées. Les médias et les enseignants ont formaté une partie de
la population, et singulièrement la jeunesse européenne, qui n’a
entendu parler que d’une partie de la question énergétique.
Sans
énergie, il est impossible de travailler ou tout simplement de vivre
; c’est la raison pour laquelle nous nous alimentons, même lorsque
nous sommes alités. Comment pourrait-on concilier une population
mondiale appelée à une croissance irrévocable pendant des
décennies encore avec une baisse de consommation d’énergie ?
Les
pères fondateurs de la Communauté européenne l’avaient bien
compris, lorsque, en juin 1955, à la Conférence de Messine, acte
fondateur de ce qui allait devenir l’UE, ils ont déclaré que la
Communauté européenne ne pourrait exister sans une énergie
abondante et bon marché. Prétendre aujourd’hui qu’il faut vivre
avec moins d’énergie en la payant plus cher est aux antipodes des
concepteurs de l’espace de paix et de sens dans lequel nous avons
le privilège de vivre.
A
présent que la quarantaine énergétique touche à sa fin, que nous
disposons de toute l’énergie fossile dont nous avons besoin, si on
commençait une nouvelle quarantaine ? Celle de l’optimisme au lieu
du catastrophisme. Viser l’élimination de la pauvreté au lieu du
changement climatique. Celle de la science au lieu de l’idéologie.
Celle de la paix au lieu de la confrontation…